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Deux-cents ans de relations entre la France et les États-Unis

dimanche 1er février 2015, par Alain Ripaux

Les relations entre la France et les États-Unis ont commencé avant la guerre d’indépendance. Les Français sont parmi les premiers Européens à avoir exploré les côtes américaines et l’intérieur du continent, les grands fleuves, les grands lacs et le delta du Mississipi.

Louis Jolliet et le Père Jacques Marquette entrant dans le Mississipi le 17 juin 1673 (toile ornant la Villa Louis à Prairie-du-Chien, Wisconsin)

De nombreux explorateurs et missionnaires français ont visité le continent nord-américain comme Louis Jolliet et le Père Marquette. Aujourd’hui, plus de 13 millions d’américains sont d’origine française et plus de 2 millions parlent encore le français en Louisiane et en Nouvelle-Angleterre. Plusieurs villes des États-Unis ont été fondées par les Français comme la Nouvelle-Orléans ou Détroit. Des fleuves, des rivières, des lacs et de nombreux lieux ont été nommés par des Français. Des écrivains français ont visité et écrits des livres sur l’Amérique comme Chateaubriand ou Alexis de Tocqueville.

Le soutien de la France dans la guerre d’indépendance

Après le traité humiliant de 1763 où la France perd le Canada et tout son empire colonial, le gouvernement royal de Versailles décide de soutenir les insurgés américains dans leur combat contre l’Angleterre.

Après la déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776, le Congrès américain envoit Benjamin Franklin en France. Il débarque à Auray avant de se rendre à Nantes puis à Paris afin d’obtenir de l’aide pour les insurgés. Il souhaite recruter des officiers et demander une alliance militaire. La victoire des révolutionnaires américains à Saratoga en 1777 décide la France à signer un traité de commerce et une alliance militaire en février 1778. La France est le premier pays à reconnaître officiellement les États-Unis d’Amérique.

La Fayette est de nos jours la figure emblématique de cette politique pro-américaine et anti-britannique. Pour soutenir les combats des insurgés, la France envoie des troupes, des armes et sa flotte en Amérique.

L’amiral Charles-Henri d’Estaing arriva à la tête d’une flotte et combat aux côtés du général Sullivan. En 1780, le comte de Rochambeau vient renforcer le corps expéditionnaire français. Les forces navales françaises participent à la bataille de la baie de Chesapeake et permirent la victoire de Yorktown en octobre 1781, qui est décisive pour la victoire des Franco-américains.

Avant l’arrivée de La Fayette et l’engagement officiel de la France, Armand-Charles Tuffin, marquis de La Rouërie, s’engage dans l’armée de Whashington avec le grade de colonel sous le nom de colonel Armand. Au printemps 1778, La Rouërie obtient l’autorisation du Congrès de créer une légion de « Chasseurs libres et indépendants » forte de 452 hommes et 14 officiers, placée sous ses ordres mais prise en charge financièrement par le Congrès. En 1781, l’intervention de la flotte française contribue grandement à la victoire de Yorktown et met fin à la Guerre d’indépendance.

La victoire franco-américaine contre les Anglais lors de la bataille de Yorktown de 1781 (tableau de John Trumbull, 1820)

Le traité de paix entre la Grande Bretagne et ses anciennes colonies ainsi que la reconnaissance de l’indépendance des États-Unis sont signés à Paris en 1783.

Après le traité de paix de 1783, deux grands partis politiques se forment aux États-Unis : les républicains-démocrates, francophiles et les fédéralistes qui souhaitent renouer des liens avec la Grande-Bretagne.

Les évènements de la Révolution américaine vont trouver un certain échos en France, surtout parmi la noblesse et la bourgeoisie éclairée. Comme les autres officiers du corps expéditionnaire français, le marquis de La Fayette rentre en France. Il va jouer un certain rôle pendant la Révolution française.

La vente de la Louisiane

Par la convention du 30 avril 1804, le premier consul Napoléon Bonaparte vend la Louisiane et la ville de La Nouvelle-Orléans aux États-Unis pour la somme de 80 millions de francs, ce qui est une somme très importante pour l’époque. Mais, la jeune République américaine a reçu de la part de la France un territoire immense représentant dix États américains actuels, ce qui permet sa formidable expansion vers l’Ouest.

Cérémonie le 10 mars 1804 sur la Place d’Armes à La Nouvelle-Orléans célébrant le transfert de la ville de la France aux États-Unis (tableau de Thure de Thulstrup)

En 1812, les Américains tentent d’envahir le Canada, mais sont repoussés par les troupes britanniques qui incendient les principales villes de la côte Est.

En 1831, après un voyage de neuf mois aux États-Unis, Alexis de Tocqueville, publie à son retour en France, De la démocratie en Amérique, un ouvrage sur le système politique et social américain qui devient un succès en Europe et aux États-Unis.

Gustave de Beaumont publie Marie, ou l’esclavage aux États-Unis, un roman sur la condition des esclaves noirs.

En 1848, de nombreux Français partent en Californie pour faire fortune et participent à la ruée vers l’or. A cette époque, San Francisco compte près de 5 000 Français.

La guerre de Sécession

Comme les autres pays européens, la France tient à rester neutre dans la guerre de Sécession qui ravage les États-Unis de 1861 à 1865.

Mais de nombreux Français prennent part aux combats de la guerre de Sécession : 14 000 dans le Sud et 12 000 dans le Nord. Certains régiments de Français se distinguent dans les deux camps, comme les « Gardes Lafayette » pour les Yankees et « Lafayette du Sud » pour les Confédérés.

La statue de la Liberté

Le 10 mai 1876, le sculpteur français Auguste Bartholdi expose à l’Exposition Universelle de Philadelphie « la torche de la Liberté ». Construite et même totalement assemblée à Paris, la Statue de la Liberté est ensuite démontée et mise en pièces détachées dans les caisses expédiées à New York. Elle est finalement inaugurée le 28 octobre 1886.

La tête de la Statue de Liberté, exposée à Paris au Champ-de-Mars lors de l’exposition universelle de 1878

La Première guerre mondiale

L’opinion publique américaine est plutôt favorable aux alliés en raison des horreurs commises par les troupes allemandes. Au début, le gouvernement des États-Unis observe une stricte neutralité.

En janvier 1915, puis en janvier 1916, Edward House est chargé par le président Wilson de mettre en place une conférence de paix, mais cette médiation américaine sera un échec. La guerre permet aux États-Unis d’exporter des produits manufacturés et des armes.

En 1915, les sous-marins allemands torpillent le paquebot « Lusitania » et les États-Unis rompent leurs relations diplomatiques avec l’Allemagne. Le 19 mars 1917, les sous-marins allemands coulent le « Viligentia ». Le 2 avril 1917, le président Wilson fait voter la déclaration de guerre par le Sénat. Une commission d’enquête de 1936 estimera que l’entrée en guerre des États-Unis a été motivée pour des raisons économiques liées à la dette des Alliés.

Dans les mois qui suivent, les soldats américains débarquent en France et se dirigent vers la zone des combats. Pendant l’été 1918, ils prennent place dans les tranchées et participent aux combats de la Grande guerre. Plus de 300 anciens combattants américains ont été décorés de la légion d’honneur.

Après la guerre, les relations entre l’Amérique et la France sont souvent difficiles. Les États-Unis exigent le paiement des dettes de guerre, intérêts compris, sans aucune négociation. La France décide d’occuper la Ruhr pour tenter de payer sa dette.

A cette époque, la culture américaine commence à s’implanter en Europe avec le jazz, le cinéma et certains romanciers. Les élites américaines apprécient la culture française : la mode, la littérature, la philosophie, le théâtre, l’art et la gastronomie française.

La seconde guerre mondiale

Le 16 juin 1940, les États-Unis rejettent la demande d’assistance militaire adressée par Paul Reynaud. Au début de la guerre, les Américains ne disposent pas d’une armée suffisante pour entrer dans le conflit et préfèrent rester neutres.

Le 16 septembre 1940, le président Roosevelt rétablit la conscription et commence à engager l’industrie dans l’effort de guerre. Le 11 mars 1941, le président américain obtient du Congrès la permission d’approvisionner les alliés en armement. Suite à l’attaque japonaise à Pearl Harbour, le 7 décembre 1941, les États-Unis décident d’entrer dans la 2ème guerre mondiale.

Le président Roosevelt entretient des relations diplomatiques avec le gouvernement de Vichy du Maréchal Pétain. Il n’apprécie pas le style et l’action du général de Gaulle, mais c’est réciproque. Pendant toute la guerre, les relations entre la France Libre et les États-Unis seront très difficiles.

Le chef de la France Libre sera oublié aux accords de Yalta. Mais, le Maréchal de Lattre de Tassigny représentera la France à Berlin le 8 mai 1945 lors de la capitulation de l’Allemagne et la France pourra disposer d’une zone d’occupation en Allemagne comme les autres pays alliés. La France pourra obtenir l’un des cinq fauteuils de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU.

Comme pour les autres pays européens libérés, Roosevelt avait prévu de placer la France sous l’administration américaine de l’AMGOT . Le général de Gaulle s’y oppose catégoriquement et réussit à imposer l’administration du gouvernement provisoire de la République française sur l’ensemble du territoire national. Devant la popularité du général, Roosevelt reconnaît la légitimité du gouvernement provisoire de la République, mais il restera toujours très méfiant à l’égard du chef de la France Libre.

Billet de 100 francs établi par l’AMGOT en 1944

En 1945, la France ruinée et épuisée par la guerre accepte le plan Mashall et la doctrine Truman avec les prêts de la Banque mondiale et les contrôles du FMI.

L’occupation militaire américaine en France

En janvier 1946, le général de Gaulle quitte le pouvoir et regagne sa maison de Colombey-les-deux-Églises pour écrire ses Mémoires de guerre. Malgré une forte représentation communiste, le régime parlementaire de la IVème République est très proaméricain.

En février 1948, le gouvernement français autorise le transit et le séjour sur son sol des troupes américaines. Les États-Unis redoutent une offensive soviétique sur l’Europe et envoient plusieurs bataillons à Saint-Nazaire et Bordeaux. Le 4 avril 1949, les Américains, la France et dix autres pays occidentaux signent l’accord créant l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

La France et les autres pays européens perdent leur influence diplomatique sur la scène internationale. En 1954, la France perd la guerre d’Indochine et s’engage dans le conflit algérien. Selon les déclarations des ministres socialistes, c’est une simple opération de maintien de l’ordre. François Mitterrand déclare : « l’Algérie c’est la France ». La crise de Suez de 1956 montre bien que rien ne peut se faire sans l’aval du grand frère américain. Les États-Unis se découvrent anticolonialistes et critiquent ouvertement l’intervention militaire de la France en Algérie.

En 1958, la France abrite sur son sol de nombreux camps militaires américains et plus de 100 000 soldats et civils de l’US Army vivent comme en Amérique. La France « occupée » vit à l’heure américaine et les produits américains commencent à envahir la vie des Français : langue anglaise, culture, films, musique, boissons, nourriture, vêtements, etc… Les Français sont de plus en plus irrités par cette présence américaine envahissante. Les « libérateurs » de juin 1944 deviennent des « Impérialistes ».

Le retour du Général de Gaulle

Le retour au pouvoir du général de Gaulle est un coup très dur à supporter par la Maison Blanche. Le président de la Vème République conteste l’américanisation du monde occidental. La France gaullienne veut montrer son indépendance nationale à l’égard des États-Unis, en particulier par sa sortie du commandement intégré de l’OTAN, la fermeture des bases américaines en France et sa politique d’indépendance nationale dans tous les domaines : économie, culture et diplomatie. Afin de ne plus dépendre des États-Unis pour sa défense nationale, le général veut doter la France de l’arme atomique. Lors de son discours de Pnom-Penh, de Gaulle condamne l’intervention militaire américaine au Vietnam. En 1967, le chef de l’État condamne aussi l’attaque israélienne de la Guerre des Six jours.

Le 21 février 1966, le général annonce sa décision de se retirer du commandement militaire de l’OTAN, tout en restant membre de l’Alliance. Les États-Unis doivent donner l’ordre aux troupes américaines stationnées en France de quitter les bases de l’hexagone et 70 000 soldats US vont s’installer en Allemagne, en Grande Bretagne, en Belgique et en Italie.

Départ des troupes américaines en mars 1967 de leur quartier-général de l’OTAN de Saint-Germain-en-Laye

En juillet 1967, le président de Gaulle se rend au Québec pour visiter l’exposition universelle de Montréal. Mais, dans ses discours et sa conférence de presse, il encourage clairement le peuple du Québec à prendre son destin en mains comme « tant et tant d’autres peuples ». A Montréal, il termine son discours par « Vive le Québec libre ! ». Ce voyage au Québec suscite bien des commentaires et des réactions des milieux politiques anglo-canadiens et de la presse anglo-saxonne. Mais, cela permet aussi de développer la coopération franco-québécoise dans les domaines culturels, économiques et politiques.

Le général de Gaulle a toujours montré son indépendance à l’égard des États-Unis, mais dans les moments de crise internationale comme le Blocus de Berlin ou de la crise des missiles de Cuba, il réaffirme l’alignement de la France dans le bloc occidental.

Suite à l’échec du referendum du 27 avril 1969 sur la réforme du Sénat et des régions, le général de Gaulle quitte le pouvoir et rentre dans son village de Colombey-les-deux-Églises pour terminer ses Mémoires d’Espoir. Il décède le 9 novembre 1970. La France vient lui rendre hommage dans son village et tous les chefs d’État du monde entier assistent à une messe solennelle à Notre-Dame de Paris.

Avec les présidents Pompidou, Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et maintenant François Hollande, les relations franco-américaines deviennent plus sereines et plus faciles entre les deux pays. Bien sûr, Paris et Washington ne sont pas toujours d’accord sur tous les dossiers internationaux, économiques ou financiers.

Depuis plus de deux siècles, les relations franco-américaines ont été parfois tendues et difficiles, mais en cas de crise internationale comme les deux guerres mondiales ou les attentats du 11 septembre 2001, les deux pays se retrouvent toujours solidaires dans le camp occidental.

Allocution en français de John Kerry, Secrétaire d’État américain, après les attentats de Paris de janvier 2015 :

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