Accueil du site > Histoire et mémoire > La grande aventure des Acadiens

La grande aventure des Acadiens

samedi 22 avril 2017, par Alain Ripaux

JPEG - 112.2 ko
L’Acadie d’aujourd’hui
Société nationale de l’Acadie

Dans les provinces maritimes de l’Est du Canada, il existe aujourd’hui une importante communauté acadienne dont la grande majorité est francophone. On estime que plus de 500.000 Acadiens résident au Canada, en particulier dans la province du Nouveau-Brunswick et aussi en Nouvelle-Écosse, dans l’Ile du Prince-Édouard et à Terre-Neuve. Des populations acadiennes résident aussi au Québec, à Saint-Pierre-et-Miquelon et en Louisiane.

La plus forte communauté acadienne se trouve dans la province canadienne du Nouveau-Brunswick, peuplée de plus de 250.000 Acadiens francophones qui résident surtout dans le nord et l’est de cette province. Il existe une université francophone à Moncton qui joue un rôle important dans le rayonnement de la culture et des traditions acadiennes. Des médias, radio, télévision, journaux, permettent à la population de rester en contact avec le monde francophone et avec la diaspora acadienne.

La Société Nationale des Acadiens est un organisme très dynamique pour le rayonnement de la culture acadienne et la défense des droits linguistiques et culturels de cette communauté. Il existe aussi des localités acadiennes en Nouvelle-Écosse et dans l’Ile du Prince-Édouard. Mais les francophones de ces provinces sont très minoritaires. L’Acadie et essentiellement une région rurale vivant de la pêche et de l’agriculture. Les principales grandes villes où vivent les Acadiens sont Moncton, Caraquet, Dieppe, Edmunston et Bathurst. La culture acadienne est très riche avec des écrivains célèbres comme Antonine Maillet, auteur de « La Sagouine » et de « Pélagie la charrette ».

L’Acadie française

JPEG - 29.9 ko
Pierre Dugua de Mons, fondateur de l’Acadie en 1604
La Poste

En 1603, Pierre Dugua de Mons reçoit du roi de France Henri IV le titre de Gouverneur général de l’Acadie avec le monopole de la traite des fourrures pendant 10 ans. En 1604, il quitte le port du Havre à bord du « Don de Dieu » à la tête d’une expédition de 80 hommes, dont le cartographe Samuel de Champlain, en direction de l’Ile de Sainte-Croix. Cette première tentative est un échec et au printemps suivant, les colons français s’installent à Port-Royal qui devient la capitale de l’Acadie.

La jeune colonie établit de bonnes relations avec les indiens Micmacs, mais elle doit quitter rapidement le pays pour rentrer en France. En 1610, une nouvelle tentative de colonisation n’aboutit pas et les postes français sont détruits par les Anglais de la Virginie. En 1632, par le traité de Saint-Germain-en-Laye, la France redevient maîtresse du Canada, de l’Acadie et encourage une nouvelle colonisation. En 1634, Isaac de Razilly, seigneur poitevin de Loudun et cousin de Richelieu, emmène avec lui des agriculteurs et artisans pour développer la jeune colonie acadienne. Rapidement, la population s’agrandit et part à la recherche de nouvelles terres. Les Acadiens vivent de la pêche, de la chasse, de l’élevage et de l’agriculture.

JPEG - 313.6 ko
Très vite, les Acadiens fondent une colonie agricole heureuse
Tableau de Claude Picard

La déportation des Acadiens

Les conflits entre la France et l’Angleterre aboutissent au traité d’Utrecht, en 1713, où la France perd l’Acadie qui prend le nom de Nouvelle-Écosse, sauf les îles Saint-Jean et Royale, puis au traité de Paris de 1763 où elle abandonne tout le Canada. Les Acadiens refusant de prêter serment d’allégeance à la couronne britannique sont dépossédés de leurs terres et, de 1755 à 1762, plusieurs milliers sont déportés dans les colonies anglaises de la Nouvelle-Angleterre. Certains se réfugient au Québec, en Louisiane ou retournent en France. C’est ce qu’ils appellent le « Grand Dérangement » qui marquera profondément et à tout jamais ce peuple attaché à ses terres et à ses origines françaises.

JPEG - 386.5 ko
Le Grand Dérangement : les Anglais déportent les Acadiens en 1755
Tableau de Claude Picard

Voici comment s’est passée cette terrible déportation. En 1755, 1.800 soldats de la Nouvelle-Angleterre arrivent en Nouvelle-Écosse, ancienne Acadie française. Ce débarquement est suivi de la prise des forts français par le général Robert Monckton. Le gouverneur Charles Lawrence confisque les armes et les embarcations des Acadiens. En juin, il rencontre les délégués acadiens et exige que la population acadienne fasse un serment d’allégeance à la couronne britannique. Les Acadiens refusent de renier leur ancienne patrie et la religion catholique, et de porter les armes contre les soldats du Roi de France.

Le gouverneur Lawrence décrète la déportation des Acadiens au mois de juillet 1755 et les fait déporter dans les différentes colonies anglaises de la Nouvelle-Angleterre et aussi dans plusieurs villes anglaises comme Liverpool, Southampton ou Bristol. Des milliers d’Acadiens sont aussi déportés dans le Connecticut, à New-York, le Maryland, la Pennsylvanie, la Caroline du Nord, la Géorgie et le Massachusetts.

La déportation des Acadiens se fait surtout dans la région de Grand-Pré, de Port-Royal et aussi dans d’autres villages acadiens. On estime que plus de 10.000 Acadiens sont déportés vers les colonies anglaises d’Amérique. Les Acadiens qui tentaient de fuir sont massacrés par les soldats anglais. Les terres, les maisons et les biens des Acadiens sont confisqués par les colons britanniques.

Les déportés sont très mal accueillis par les colonies anglaises et se trouvent dans des situations sanitaires et humaines très difficiles à supporter et plusieurs milliers d’Acadiens décèdent suite à des épidémies de variole comme au Massachusetts, à des mauvais traitements et à des massacres.

Certains historiens américains estiment que, sur une population acadienne évaluée entre 12.000 à 18.000 habitants en 1755, de 7.500 à 9.000 Acadiens périssent lors de la déportation de 1755 à 1763.

Dans les années suivant la déportation, plusieurs milliers d’Acadiens se réfugient au Nouveau-Brunswick, au Québec, en Louisiane, à Saint-Domingue et aussi en France, à Belle-Ile-en-Mer et dans la Vienne.

A partir de 1773, plusieurs centaines d’Acadiens arrivent à Châtellerault avant de s’installer sur les terres du marquis de Pérusse des Cars, agronome et grand seigneur du Poitou, qui les accueillent pour défricher et cultiver ses terres. Le seigneur poitevin leur fait construire des fermes qui vont constituer la fameuse « ligne acadienne » située sur la commune d’Archigny. La majorité de ces Acadiens ne peuvent s’adapter à cette nouvelle vie et reprennent la direction du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse mais où les meilleures terres ont entre temps été attribuées aux colons britanniques.

L’Acadie contemporaine

JPEG - 49 ko
La ville de Caraquet, dans la péninsule acadienne du Nouveau-Brunswick, se veut la capitale de tous les Acadiens
Photo : N. Prévost

Pendant plusieurs générations et jusqu’au 20ème siècle, le peuple acadien se bat en permanence pour pouvoir vivre sur ses anciennes terres, parler français, conserver sa religion catholique et ses traditions, dans un pays dominé par la communauté anglo-canadienne.

Aujourd’hui, au Nouveau-Brunswick, 250.000 Acadiens francophones ont pu conquérir de nouveaux droits pour leur survie. Après le Québec, c’est la seconde province canadienne où le français dispose du statut officiel et langue d’enseignement dans les écoles, les lycées et à l’Université de Moncton. Malheureusement, dans les autres provinces maritimes du Canada, la minorité acadienne est largement mise en minorité par la communauté anglophone, en Nouvelle-Écosse, à l’Ile du Prince-Édouard et à Terre-Neuve.

Aujourd’hui, l’Acadie est avant tout une communauté, un pays virtuel, avec son histoire, sa culture, son hymne, son drapeau, mais ne possédant pas un véritable territoire. Il n’y a qu’au Québec, où les francophones peuvent véritablement s’épanouir culturellement et disposer d’une province dotée d’une large autonomie dans l’ensemble canadien, jouir de droits reconnus et de véritables institutions, en attendant de prendre en mains leur destin national.

Le peuple acadien a beaucoup souffert des guerres franco-anglaises et surtout de l’impérialisme britannique. Il a été victime d’un véritable génocide de la part de la couronne britannique et du comportement anti-français des colons anglais et des anglo-canadiens. Le peuple acadien représenté par la Société Nationale des Acadiens serait en droit d’exiger des excuses officielles de la Reine d’Angleterre et des réparations matérielles du gouvernement britannique. Une demande officielle d’un député d’origine acadienne du Bloc Québécois a été déposé afin qu’il y ait une reconnaissance officielle par la couronne britannique de ce massacre historique. Le gouverneur général du Canada, représentant à Ottawa de la Reine d’Angleterre, a reconnu la déportation des Acadiens, mais sans offrir des excuses, attendues par le peuple acadien.

La diaspora acadienne

En plus des 500.000 Acadiens des provinces maritimes du Canada, il y aurait 1 million d’Acadiens en Louisiane, 1 million en Nouvelle Angleterre, 1 million au Québec et plusieurs dizaines de milliers de Français des provinces de l’Ouest seraient d’origine acadienne, soit plus de 3,5 millions dans le monde.

Une trentaine de villes du Québec sont peuplées par des milliers d’Acadiens. Aux États-Unis, il y a des communautés acadiennes au nord du Maine (Madawaska) ainsi que dans plusieurs villes de Nouvelle-Angleterre et en Floride. En Louisiane, une communauté importante vit dans la région d’Acadiana. En France, des communautés acadiennes vivent en Bretagne, dans le Poitou, et aussi à Saint-Pierre-et-Miquelon et en Guyane.

JPEG - 831.9 ko
Dans son poème Évangéline, écrit au XIXème siècle, le poète américain Henry Longfellow restaure le souvenir de l’Acadie française
Photo : N. Prévost
© Association Frontenac-Amériques. | SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0