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Frontenac en Nouvelle-France de 1672 à 1698

jeudi 13 janvier 2011, par Nicolas Prévost

Le premier gouvernement de Frontenac

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Le gouverneur Frontenac en route vers Cataraqui en 1674
Archives du Canada

Le 7 avril 1672, Louis de Frontenac obtient du roi la charge de gouverneur général de la Nouvelle-France. Le 28 juin, il embarque (sans sa femme) à La Rochelle à destination de sa nouvelle mission américaine. À cette époque, la Nouvelle-France est gérée comme une province métropolitaine, même si l’éloignement nécessite des aménagements importants. Frontenac, en sa qualité de gouverneur, a alors pouvoir absolu sur les affaires militaires, il possède même le droit de véto à l’égard des décisions des autres dirigeants. Le départ de l’intendant Jean Talon en novembre 1672 donne au gouverneur encore davantage de pouvoirs.

L’entreprise la plus glorieuse a lieu au début du gouvernement de Frontenac : il s’agit de la découverte du Mississippi par Louis Jolliet (originaire de Montréal) et le père Jacques Marquette (originaire de Laon en France). Puis est construit un immense fort sur le Lac Ontario, auquel on donne le nom de Fort Frontenac. Le gouverneur nomme La Vallière commandant de l’Acadie, il entretient des relations avec les Bostonnais, il assure l’alliance avec les Abénaquis et il maintient la paix avec les Iroquois. Mais les démêlés de Frontenac avec les autres autorités néo-françaises entraînent en 1682 son rappel vers la France.

Le deuxième gouvernement

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Frontenac répond à l’émissaire anglais de Phips : « Je vous répondrai par la bouche de mes canons »
Bibliothèque Nationale du Québec

Après un interrègne de sept ans qui ont vu se succéder les gouverneurs Joseph-Antoine Le Febvre de La Barre et Jacques-René de Brisay de Denonville, le comte de Frontenac revient en Nouvelle-France en 1689, et doit faire face à des Anglais de plus en plus belliqueux. Il fait réoccuper le Fort Frontenac (qui avait entre temps été pris par les Anglais) et fait entreprendre des travaux de fortifications à Québec et à Montréal.

En 1690, les Anglais organisent un plan de campagne par terre et par mer contre la Nouvelle-France. L’amiral Phipps s’empare de Pentagouët et de Port-Royal (Acadie), alors que l’expédition partie de New York contre Montréal échoue sur les bords du lac Champlain. Toutefois, la flotte énorme de Phipps remonte le Saint-Laurent et vient assiéger Québec le 16 octobre 1690. Louis de Frontenac organise la défense et la résistance.

L’amiral anglais envoie au gouverneur un parlementaire portant une sommation rédigée par avance. Le délégué présente à Frontenac un ultimatum « au nom de leurs majestés Guillaume III et Marie, roi et reine d’Angleterre » où il invite les Français à se rendre sans combats et termine en disant : « Votre réponse positive dans une heure, rendue par votre trompette avec le retour du mien, est ce que je vous demande sur le péril qui pourra s’en suivre ». Là, le parlementaire anglais tire une montre de sa poche et fait voir l’heure au gouverneur.

Frontenac répond sans délai : « Je ne connais pas le roi Guillaume, usurpateur qui a violé les droits les plus sacrés du sang en voulant détrôner Jacques II, son beau-père ; quant à votre général, qu’il sache que je n’ai point de réponse à lui faire que par la bouche de mes canons et à coups de fusils ; qu’il apprenne que ce n’est pas de la sorte qu’on traite un homme tel que moi et, quand bien même je voudrais me rendre, tous ces braves officiers que vous voyez n’y consentiraient jamais ».

Cette mémorable phrase est retenue dans la culture populaire québécoise dans sa version abrégée : « Je vous répondrai par la bouche de mes canons ! »

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Vidéo de reconstitution de la célèbre citation de Frontenac (cliquer sur l’image pour lancer la vidéo)
Historica

Le lendemain, des renforts dirigé par M. de Callières arrivent de Montréal. Mais le 18, les Anglais de Phipps débarquent à Beauport, pendant que quatre de leurs navires bombardent Québec. L’attaque dure trois jours, elle est un échec et Phipps quitte définitivement la Nouvelle-France.

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Frontenac et les habitants de Québec repoussent Phips et les Anglais en 1690
Musée de la Civilisation de Québec

Suite à leur défaite, les Anglais ne montent plus d’autres attaques contre la colonie française. À la place, ils arment les Iroquois pour attaquer les Canadiens à leur place. En 1691, un fort groupe de guerriers Iroquois, armés par les Anglais, vient camper à l’embouchure de la rivière des Outaouais, près de Montréal, et sème la désolation dans toute la région. En 1693 à nouveau, les Anglo-Iroquois reviennent devant Montréal. À chaque fois, ces tentatives, bien que meurtrières, sont des échecs.

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La Nouvelle-France au temps de Frontenac

Dans le même temps, Frontenac continue à encourager l’établissement de nouveaux postes de traite à l’Ouest. Ainsi, des forts sont bâtis dans la région du Mississippi et dans les Prairies, permettant ainsi aux coureurs des bois d’échanger avec les Sioux et les Amérindiens des plaines.

Dans ce contexte de forte tension militaire, un nouveau motif de querelle a lieu entre le gouverneur et l’Église catholique en 1694. Frontenac a l’idée de représenter le Tartuffe de Molière au château Saint-Louis de Québec. À Paris, cette pièce, qui tourne les bigots et faux dévots en dérision, avait déjà été interdite par le clergé, et ce dès les premières représentations. Le nouvel évêque de Québec, Monseigneur de Saint-Vallier, oblige alors Frontenac à arrêter les répétitions avant même que quiconque ne puisse assister à la pièce. Cette épisode a été récemment mis en scène de façon humoristique par une troupe de théâtre au Québec :

En 1697, la paix est signée entre la France et l’Angleterre (traité de Ryswick). Le gouverneurs continue alors ses projets de consolidation et d’expansion de la Nouvelle-France. Mais à l’automne 1698, Frontenac tombe gravement malade, et sa santé se dégrade rapidement. À la mi-novembre, sentant sa fin proche, il fait la paix avec l’intendant et l’évêque, et meurt le 28 du même mois. Il est inhumé en l’église des Récollets de Québec.

Voici la transcription de son acte de sépulture par la paroisse de Québec le 1er décembre 1698 :

Acte de décès (sépulture) de Messire Louis de Buade comte de Frontenac le 1er décembre 1698 en l’église des Récollets à Québec

Le premier jour de décembre de l’an mil six cent quatre-vingt dix-huit a été inhumé dans l’église des Pères Récollets de cette ville par Monseigneur l’illustre et révérend Évêque de Québec ; Messire Louis de Buade comte de Frontenac, lieutenant général et gouverneur pour le roy dans toute l’étendue de la Nouvelle-France, lequel est décédé le vingt-huitième du mois de novembre de cette présente année après avoir reçu les sacrements de pénitence viatique et extrême onction. Ont assisté à son inhumation un fort grand nombre de personnes.
Signé : Abbé François Dupré, curé de Québec

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Bibliothèque et archives nationales du Québec
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Bibliothèque et archives nationales du Québec
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La basilique-cathédrale Notre-Dame de Québec
Photo N. Prévost

Le cœur de Frontenac est transporté, selon sa volonté, à Paris en l’église Saint-Nicolas-des-Champs. On ne sait pas exactement ce que ce cœur est devenu par la suite, sachant que cette église sera, comme bien d’autres églises de France, saccagée pendant la Révolution française.

L’écrivain québécois Joseph Marmette (1844-1895) fait toutefois mention du cœur de Frontenac dans son livre François de Bienville (1870). Il indique que, recevant le coffret avec le cœur de son mari, Anne de la Grange-Trianon l’aurait renvoyé au Canada en disant qu’elle ne voulait pas d’un cœur mort qui, vivant, ne lui avait pas appartenu.

Anne de la Grande-Trianon meurt dans sa maison du quartier de l’Arsenal à Paris en 1707. Voici ce que dit son acte de sépulture en date du 30 janvier 1707 en l’église Saint-Paul à Paris (transcription par l’archiviste Auguste Jal) :

Sépulture de Dame Anne de la Grange le 30 janvier 1707 en l’église Saint-Paul à Paris

Le 30 janvier 1707, dame Anne de la Grange, veuve de Messire Louis de Buade, chevalier, comte de Frontenac, gouverneur et lieutenant général en Canada et dans toutes les îles d’Amérique septentrionale, est décédé en sa maison de l’Arsenal, de laquelle le corps a été inhumé dans ladite église de Saint-Paul le dernier du courant, âgée de soixante et quinze ans environ, en présence de Messire Joachim Jeannot Bartillat, petit neveu, et de Messire Gaspar Lescalopier, conseiller du Roy en sa cour de parlement et grand’chambre, parent, qui ont signé :
Jeannot de Bartillat, Lescalopier

Le 11 septembre 1796, après la destruction par un incendie de l’église des Récollets, les cendres de plusieurs gouverneurs de la Nouvelle-France (Frontenac, Callières, Rigaud de Vaudreuil et Jonquière) sont transférées à la cathédrale de Québec.

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La statue de Louis de Buade comte de Frontenac devant l’Assemblée nationale du Québec à Québec
Photo N. Prévost
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