Origines familiales et jeunesse de Frontenac
- Louis de Buade, comte de Frontenac, sur la Fresque des Québécois dans la ville de Québec
- Photo N. Prévost
Louis de Buade, comte de Frontenac et de Palluau, est une des figures les plus importantes de l’histoire de la Nouvelle-France. Il est aujourd’hui très connu au Québec pour avoir défendu la colonie contre les attaques anglaises et iroquoises.
Les Buade appartiennent à une vieille famille de la noblesse d’épée, dont l’origine se situe très certainement dans le Sud-Ouest de la France : Frontenac est en effet le nom de deux villages de cette région.
Antoine de Buade (v.1567-1626), le grand-père de Frontenac, sert à titre d’écuyer personnel du roi Henri IV (roi de 1589 à 1610) pendant plusieurs années, avant d’être nommé gouverneur du château de Saint-Germain-en-Laye. Son épouse se nomme Jeanne de Secondat (1565-1618). Jeanne est la sœur de Jacob de Secondat (1576-1619), arrière grand-père de Charles de Secondat, plus connu sous le nom de Montesquieu (1689-1755), un des grands philosophes français du Siècle des Lumières.
Le fils d’Antoine de Buade et de Jeanne de Secondat, Henri de Buade (1596-1622), lui aussi gouverneur du château, est baptisé dans le château de Saint-Germain-en-Laye le 16 mai 1596 comme le montre son acte de baptême ci-dessous. Son parrain est Henri de Bourbon, prince de Condé. Sa marraine n’est pas nommée.
Acte de baptême d’Henri de Buade, comte de Frontenac, le 16 mai 1596 en la paroisse Saint-Germain à Saint-Germain-en-Laye
May 1596 |
Plusieurs frères et sœurs d’Henri sont baptisés à Saint-Germain-en-Laye. Jeanne de Buade de Frontenac est baptisée le 26 mars 1598, son parrain est Joachim de Bellengreville et ses marraines sont Claude de Marricourt et Soeur Jeanne de Gondy, prieure de Poissy. Roger de Buade de Frontenac est baptisé le 21 mars 1601, son parrain est Roger de Bellegarde, chevalier des deux ordres du roy et grand échanson de France, et sa marraine est Diane de La Marque. Gabrielle de Buade de Frontenac, est baptisée le 5 octobre 1603. Son parrain est le prince Alexandre de Bourbon. Sa marraine est Françoise de Longuejoue, gouvernante des Enfants de France.
Le 28 janvier 1613, en l’église Saint-Paul à Paris (d’après Auguste Jal), Henri de Buade de Frontenac épouse Anne Phélypeaux (v.1595-1633), originaire de Pontchartrain. Anne vivait avec ses parents Raymond Phélypeaux et Claude Madeleine de Gobelin au Quai des Célestins, Paroisse Saint-Paul, à Paris.
L’archiviste Auguste Jal avait pu relever dans le registre paroissial de l’église Saint-Paul à Paris (avant les catastrophiques destructions de 1871) le baptême de plusieurs enfants "d’Henry de Buade, baron de Palluau, et de dame Anne Phélypeaux, demeurant sur le quai des Célestins" : Jeanne de Buade le 2 janvier 1614, Claude de Buade le 8 mars 1615, Anne de Buade le 9 mars 1616, Antoine de Buade le 6 juin 1617 ("le parrain Antoine de Buade, sieur de Frontenac, premier maître d’hôtel du Roy, grand-père de l’enfant, la marraine dame Marthe Gobelain, femme de M. le président Lescalopier"), et Charlotte de Buade en 1618. Au baptême de Jeanne, Henry de Buade est qualifié de "premier maître d’hôtel chez le Roy".
La même année 1618, Jeanne de Secondat, l’épouse d’Antoine de Buade et la mère d’Henri de Buade meurt à Saint-Germain-en-Laye le 30 mai après avoir retrouvé le chemin de la religion catholique. Son acte de sépulture se trouve dans les registres paroissiaux de Saint-Germain-en-Laye.
Acte de sépulture de Jeanne de Secondat, comtesse de Frontenac, le 30 mai 1618 en la paroisse Saint-Germain à Saint-Germain-en-Laye
May 1618
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Toujours selon Auguste Jal, l’acte de baptême de Louis de Buade ne se trouvait pas dans le registre paroissial de l’église Saint-Paul de Paris, et cet historien archiviste du 19ème siècle pensait qu’il était donc "né à l’extérieur des limites de Paris". Bien trouvé, puisque c’est effectivement à Saint-Germain-en-Laye que cela s’est passé, comme le montrent les documents ci-dessous.
Louis de Buade est né dans le château vieux (l’actuel château de Saint-Germain-en-Laye) le 12 mai 1622 et ondoyé le même jour. Son père Henry de Buade meurt quelques semaines plus tard le 29 juin 1622 lors du siège de Saint-Antonin-Noble-Val (dans l’actuel Tarn-et-Garonne). Son corps est ramené à Saint-Germain-en-Laye et inhumé dans la chapelle du Prieuré d’Hennemont, l’acte de sépulture se trouvant dans les deux exemplaires du registre paroissial de Saint-Germain-en-Laye.
Acte de sépulture d’Henri de Buade, comte de Frontenac, le 27 septembre 1622 au Prieuré d’Hennemont
Septembre 1622 |
Le cœur d’Henri de Buade est prélevé le 2 octobre 1622 et porté dans une boite de plomb dans la chapelle souterraine de la collégiale Sainte-Ménehould de Palluau-sur-Indre. On peut y lire cet épitaphe dans la crypte.
Celuy qui gist en ce tombeau funeste Pour le service de son Roy combattant Fut d’un coup de mousquet blessé si asprement Que trois jours après la mort fust de son reste Son nom c’estoit Henry son sur nom de Buade La ville où il fust tué c’estoit Sainct Anthonin Louis Treizième régnant qui d’un brave courage Pressoit le calvinisme à lui tendre la main Il estoit en son vivant premier maistre d’hostel maistre de camp aussy des troupes de Navarre Il a cessé guerres il est près de l’Éternel Étant heureux exemple de l’humain tintamarre |
Orphelin de son père, Louis de Buade est baptisé dans la chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye le 30 juillet 1623, comme précisé dans l’acte de baptême, trouvé dans les registres paroissiaux des archives municipales de Saint-Germain-en-Laye (pour la collection communale, en deux exemplaires) et des archives départementales des Yvelines (pour la collection du greffe). Le roi de France Louis XIII est son prestigieux parrain, sa marraine étant la princesse Catherine Henriette de Bourbon (1596-1663), fille légitimée d’Henri IV et de Gabrielle d’Estrées, et épouse de Charles II, Duc d’Elbeuf.
Acte de baptême de Louis de Buade, comte de Frontenac, le 30 juillet 1623 en la paroisse Saint-Germain à Saint-Germain-en-Laye (1ère version de la collection communale)
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Acte de baptême de Louis de Buade, comte de Frontenac, le 30 juillet 1623 en la paroisse Saint-Germain à Saint-Germain-en-Laye (2ème version de la collection communale)
Juillet 1623 |
Acte de baptême de Louis de Buade, comte de Frontenac, le 30 juillet 1623 en la paroisse Saint-Germain à Saint-Germain-en-Laye (version de la collection du greffe)
Juillet 1623 |
À Saint-Germain-en-Laye ont également été baptisées deux autres sœurs de Louis de Buade : Henriette de Buade et sa sœur jumelle Angélique de Buade le 27 août 1623, comme le montre l’acte de baptême ci-dessous.
Acte de baptême d’Henriette et Angélique de Buade de Frontenac, le 27 août 1623 en la paroisse Saint-Germain à Saint-Germain-en-Laye
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Parmi les sœurs de Louis de Buade, l’une d’entre elles était religieuse à l’Hôtel-Dieu de Dourdan (Essonne). D’après Joseph Guyot, auteur en 1869 de Chronique d’une ancienne ville royale, Dourdan capitale du Hurepoix, Jeanne de Buade de Frontenac, personne de qualité, est pourvue du bénéfice de la charge de mère et maîtresse de l’Hôtel-Dieu de Dourdan par lettre patente du 30 juillet 1635 et le possède pendant trente-huit années.
Dans sa jeunesse, Frontenac reçoit une forte instruction dans un collège de Jésuites. À l’âge de dix-sept ans, Louis de Frontenac entre dans l’armée française. Il participe à plusieurs campagnes de la guerre de Trente Ans. Au siège d’Orbitello en 1646, il est blessé au bras droit, blessure dont il ne guérira jamais.
Le mariage de Frontenac avec Anne de la Grange
- Anne de la Grange-Trianon (1632-1707), épouse de Frontenac
- Musée du château de Versailles
Le 28 octobre 1648, Frontenac épouse secrètement, en l’église Saint-Pierre-aux-Bœufs dans l’Île de la Cité à Paris, Anne de la Grange-Trianon (1632-1707), une princesse d’une grande beauté et dont le portrait se trouve à Versailles. Anne est la fille de Charles de la Grange-Trianon et de Marguerite Blanquet, elle est aussi la cousine de Madame de Maintenon.
Anne de la Grange-Trianon est l’héritière d’une immense fortune. Son père s’était opposé violemment à ce mariage, c’est pour cela que le mariage est célébré en l’église Saint-Pierre-aux-Bœufs (une petite église qui n’existe plus aujourd’hui et qui était réservée aux mariés qui n’avaient pas le consentement de leurs parents), et quand il apprend que les noces ont quand même eu lieu, il déshérite sa fille.
- L’île de la Cité avant les travaux d’Haussmann : on peut voir l’église Saint-Pierre-aux-Bœufs près de Notre-Dame
- Plan de Paris par Robert de Vaugondy (1771)
L’acte de mariage de Frontenac avec Anne a également disparu en 1871 avec tout l’état civil parisien, mais heureusement, l’archiviste Augste Jal en avait fait un relevé et avait même reproduit les signatures des mariés dans son Dictionnaire critique de biographie et d’histoire !
Acte du mariage de Louis de Buade de Frontenac et d’Anne de la Grange-Trianon le 28 octobre 1648 en l’église Saint-Pierre-aux-Bœufs à Paris
Le mercredi 28 octobre 1648 Messire Louis de Buade comte de Frontenac, conseiller du roi en ses conseils, maréchal des camps et armées de Sa Majesté et maître de camp du régiment de Normandie, et Damoiselle Anne de la Grange, fille de Messire Charles de la Grange, conseiller du roi et maître des comptes, de la paroisse Saint-Paul comme M. de Frontenac, en vertu de la dispense obtenue de M. l’official de Paris, par laquelle il est permis au Sieur de Buade et demoiselle de la Grange de célébrer leur mariage suivant et conformément à la permission qu’ils en ont obtenue du Sieur Coquerel, vicaire de Saint-Paul, par-devant le premier curé ou vicaire sur ce requis, en gardant les solennités en ce cas requises et accoutumées. En présence de Messire François d’Espinay, marquis de Saint-Luc, beau-frère, Messire Claude de Bourdeilles, comte de Montrésor, Messire Hippolyte de Béthune, comte de Celles, Dame Anne de Buade, femme du marquis de Saint-Luc, et Dame Geneviève de Buade, femme de M. de Montrésor, maître des requêtes. |
Le 7 mai 1651 au château de l’Isle-Savary à Clion-sur-Indre (Indre), Anne donne naissance à François-Louis, le seul enfant du couple Frontenac. François-Louis est baptisé le 13 mai 1655 en la paroisse Saint-Sulpice à Paris (acte disparu en 1871 mais, là encore, heureusement recopié par Auguste Jal !) :
Acte de baptême de François-Louis de Buade de Frontenac le 13 mai 1655 en l’église Saint-Sulpice à Paris
Le 13ème mai 1655 a été baptisé François Louis, âgé de 5 ans et 6 jours, ainsi que le père présent l’a témoigné, fils de Messire Louis de Buade de Frontenac, comte de Palluau, maréchal de camp des armées du Roy, et de dame Anne de la Grange, sa femme, demeurant sur le Quai des Célestins. Le parrain, M. François d’Épinay, chevalier, seigneur marquis de Saint-Luc, conseiller du roy, lieutenant général des armées du roy, gouverneur de Guyenne ; La marraine, dame Marie de Bragelonne, femme de M. Claude de Bouthillier, vivant surintendant des finances et ministre d’Etat. Ledit enfant, ondoyé le 28è jour d’avril mil six cent cinquante un par M. le Curé de la paroisse de Clion, diocèse de Bourges. |
François-Louis de Buade de Frontenac, s’engage dans l’armée et notamment avec son père. Il meurt sans postérité en Allemagne en 1672 ou 1673. Louis de Buade comte de Frontenac n’a donc lui-même pas de descendants directs.